M-T C est un peu désemparée. Pour cette ancienne infirmière, la lecture était plus qu’un passe-temps, un besoin quasi-viscéral. Or, la quadragénaire est aujourd’hui malvoyante : elle distingue à peine les formes et les couleurs.
Elle se déplace à l’aide d’une canne, tente de garder le plus d’autonomie possible dans l’espace qui la conduit de sa chambre à la salle-à-manger. Des années qu’elle n’a plus vu les visages de ses proches, elle ne sait à quoi ressemblent ses petits-enfants aujourd’hui. Son rêve le plus fou : pouvoir lire son journal toute seule. Une amie malvoyante comme elle lui a parlé d’une loupe éclairante qui rendrait la chose possible. Et si c’était vrai…
Maryse Verhille a 38 ans lorsqu’elle apprend, du jour au lendemain, qu’elle est atteinte de DMLA*. A l’époque, 20 ans en arrière, c’est une maladie peu connue sur Chambéry, on la transfère donc à Lyon. Lors de ses visites hebdomadaires à l’hôpital, elle se renseigne sur l’offre existante en gros caractères. « A vrai dire, pas grand-chose… des livres, mais pas de magazine ». « Eh bien je vais en faire un ! » répond-elle sur le ton de la rigolade.
Son compagnon prend l’affaire au sérieux, au bout d’une semaine il lui soumet une page rédigée en gros caractères : “Mieux voir” est né…
Depuis, la petite entreprise a bien grandi. “Mieux voir”, seul magazine français écrit en gros caractères, sort tous les mois depuis 1997. Il est disponible uniquement sur abonnement, « mais il est possible de commander un numéro pour tester ».
10 000 abonnés au total, en France, en Suisse, en Belgique… Peu de publicité, des articles empruntés à “Marie Claire”, “Notre Temps” ou “Psychologies”, pour ne citer qu’eux : « Avec un capital de départ de 205 €, je n’avais pas les moyens de prendre un(e) journaliste ».
“Mieux Voir” a cependant très vite gagné sa légitimité auprès du public et des professionnels du secteur de l’ophtalmologie. Toute la famille a rejoint Maryse dans l’aventure : son mari Alain, ses enfants Christelle et Guillaume.
Depuis 2006, un bimestriel de jeux est même venu compléter l’offre de l’entreprise familiale.
Retour auprès de M-T. Avec l’aide d’une soignante, elle a commandé une loupe éclairante sur internet. Cela fait deux semaines qu’elle l’attend, impatiemment. Mais à l’arrivée du paquet, c’est la désillusion : le texte grossi apparaît à l’envers !
Comment faire ? « Avec ce genre de matériel, il faut quasiment le coller sur le texte pour lire normalement », explique Maryse.
Car c’est là son point fort : Maryse, malvoyante, sait exactement de quoi elle parle. Aujourd’hui, elle accueille dans son show-room chambérien des personnes souhaitant tester des aides visuelles, se faire conseiller et profiter de son expérience. « Beaucoup de gens m’appellent en détresse, parce qu’ils ont acheté du matériel qui ne leur convient pas du tout. Ici ils peuvent essayer et c’est souvent beaucoup d’émotion de trouver le bon objet ».
Depuis, M-T a pris rendez-vous, et attend avec impatience de rencontrer Maryse…
Fabienne Bouchage
* Dégénérescence maculaire liée à l’âge