Prévue depuis 2013, puis reportée, l’augmentation de la taxe foncière sur les terrains non bâtis interviendra bien dès cette année. Explications.
Après quelques hésitations et modifications, les mesures concernant la taxation des terrains constructibles sont entrées en vigueur au 1er janvier 2015.
Au final, ce sont 620 communes identifiées où il existe un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements qui seront directement impactées. Les villes recensées se regroupent essentiellement en région parisienne, PACA et dans la zone frontalière Suisse, en Haute-Savoie et dans l’Ain.
Les deux nouvelles mesures, votées en début d’année, se cumulent auprès des propriétaires de terrains à bâtir. Concrètement, elles aboutissent à une augmentation de 25% de la taxe foncière à laquelle il faut rajouter une taxe forfaitaire qui s’élève à 5€ le m².
Autant dire que les propriétaires concernés risquent d’avoir une mauvaise surprise, cet automne, à la réception de leur avis de taxe foncière. Cette augmentation drastique est présentée comme une incitation forte à la vente de terrains à bâtir pour la construction de logements neufs.
De plus, hormis les 620 villes identifiées, chaque commune peut, cette année, prendre la décision de majorer la taxe foncière sur les terrains non bâtis, dans la limite maximum de 3€ le m².
INTERVIEW
Jean-François Ciclet,
maire de Reignier-Esery (74930)
Commune rurale de 7000 habitants située à proximité d’Annemasse, Reignier-Esery fait partie des 620 villes et villages impactés par l’augmentation de la taxe foncière sur les terrains constructibles. Rencontre avec Jean-François Ciclet, maire de la commune.
Ballad’Ain : Que pensez-vous des mesures prises en ce début d’année concernant la taxe foncière des terrains non bâtis ?
« Je comprends bien le but de cette loi qui cherche à éviter la rétention foncière avec, quelquefois, un objectif spéculatif de la part des propriétaires, alors qu’il existe un vrai manque de logements. Dans sa déclinaison et son périmètre d’application, elle ne convient pas forcément.
Elle s’applique aux zones dites tendues dont notre commune fait partie. Reignier-Esery est une commune étendue de 2500 hectares composée d’un centre bourg, où logent environ 4500 habitants, et d’une multitude de hameaux. Dans ce périmètre extérieur, il existe des petits terrains constructibles bien souvent conservés par les propriétaires pour les transmettre à leurs enfants ou petits-enfants.
A mon sens, taxer ce genre de terrains est une hérésie. Ces petits propriétaires n’ont pas forcément les moyens de faire face à l’augmentation; pour certains, ce sera insurmontable.
A terme, pour 1000m² de terrain, la taxe va s’élever à 5000€, c’est inconcevable.
Ballad’: Pensez-vous qu’il existe des moyens pour diminuer cette taxe ?
J’ai proposé des zonages pour certaines communes mais, a priori, c’est impossible. C’est tout de même la première fois dans notre République que les choses sont inversées.
Habituellement pour tous les impôts, l’Etat, les finances publiques établissent les textes, donnent les conditions d’imposition et demandent aux communes de voter un taux. Là, c’est l’inverse, l’Etat fixe le taux et demande aux communes une liste des propriétaires imposables.
Politiquement et localement, ça risque de très mal se passer.
La manière de procéder nous met très en colère. A tel point que, individuellement ou avec l’ensemble des communes concernées, nous envisageons de nous faire déférer au tribunal administratif pour essayer de mettre en place une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) pour aller au conseil constitutionnel.
L’idée étant de mesurer si cette loi laisse les contribuables égaux devant l’impôt, tel que le prévoit la Constitution. Je ne sais pas si la démarche aboutira mais nous sommes déterminés.
Ballad’ : Cette loi, votée en début d’année, est passée quasi inaperçue auprès du grand public. Pensez-vous qu’il y avait une volonté de discrétion ?
Oui, bien sûr. Après tout, les mesures touchent peu de communes et effectivement, la loi n’a pas fait grand bruit. Mais nos concitoyens viennent déjà nous voir. Notre zone Haute-Savoie et Pays de Gex est atypique puisqu’elle est encore relativement agricole.
Il faut savoir que les terrains exploités par un agriculteur ainsi que ceux avec un certificat d’urbanisme en cours de validité ne sont pas impactés par ces mesures.
Ballad’ : A votre avis, comment vont réagir les contribuables de Reignier-Esery à la réception de leur avis d’imposition de taxe foncière cet automne ?
En tout cas, dans ma commune, l’augmentation ne passera pas cet automne puisque j’ai décidé, avec d’autres maires de Haute-Savoie, de ne pas déclarer les parcelles concernées. Nous nous sommes concertés, nous avons pris cette décision et nous assumons ce choix. »
Propos recueillis par Lise Boisselier