La presse locale dans le Bugey au sortir de la seconde guerre mondiale était riche d’un merveilleux petit journal de quatre pages, grand format, hebdomadaire : “Le Coq Bugiste”. Pour ceux qui ont la chance d’en posséder la collection, ce qui est le cas, il s’agit là d’une véritable mine d’articles événementiels, de portraits, de réflexions de l’époque.
Un « envoyé spécial » en 1945 de ce journal, Boiteuzet, évoque un personnage truculent, héroïque du Valromey à Lompnieu : Gustave Reymond dit le marquis de Vibesses (nom du hameau où il habitait) !
Autre particularité : il ressemblait trait pour trait à Staline… Le marquis, c’était la santé, la joie de vivre, l’accueil généreux et si le vin n’était pas toujours bon :
« Oh, il travaille… D’ailleurs ici, il n‘y a que le vin qui travaille ! »
Le vin du Bugey fait de la résistance !
Tous les résistants de la région le connaissaient et l’admiraient tant sa vaste demeure leur a permis très souvent de trouver refuge, nourriture… Un de ses faits de résistance reste célèbre dans la région.
Un jour, les Allemands débarquent dans le village et quand on sait ce qui se passa à Hauteville, Virieu…
Presque toutes les maisons de ce temps avaient servi de relais aux maquisards, alors le pire pouvait arriver !
Notre marquis alla droit face à l’ennemi, les reçut à bras ouverts, les entraîna chez lui, les restaura et les saoula dix jours de suite. Toute idée d’enquête, de répression quitta l’esprit des envahisseurs, si bien que leur chef jura qu’après la guerre, il ferait de ce village son voyage de noce !
Pendant ce temps, derrière leur dos, Gustave leur tirait la langue…
Il cuisait deux fournées de pains par jour, qui servaient en grande partie à ravitailler le maquis
Une anecdote ?
Son cercueil, comme c’était souvent le cas jadis, trônait par avance dans la maison et servait en l’occurrence de penderie. Or un jour, on y enferma un jeune homme pour l’enterrement de sa vie de garçon, alors qu’il avait fini chez le marquis une tournée mémorable ! On chargea le cercueil sur un camion pour ramener le fêtard chez lui. Seul problème, c’est que le cercueil en route avait glissé du camion et qu’il fallut bien des heures pour remettre la main dessus. Si l’état du cercueil nécessita quelques révisions, le futur marié lui, s’en sortit indemne, ne dit-on pas qu’il y a un dieu pour les ivrognes ?
Autre détail précieux : lorsqu’il cherchait sa femme, Madame Adrienne, il sonnait de la trompe, bien mieux que le tél portable, non ?
Michel Bigoni