« Je vous assure mon cher cousin que vous avez dit bizarre, bizarre.
– Moi j’ai dit bizarre, comme c’est bizarre ! »
Cet échange, culte, entre Louis Jouvet et Michel Simon, sorti d’une séquence célèbre du cinéma français (Drôle de Drame, de Michel Carné) pourrait largement être répliqué à de nombreuses occasions.
Avec humour, bien sûr, en imitant les intonations particulières de chacun des protagonistes. Histoire de commenter, de façon fantaisiste, les nombreux événements qui nous surprennent toujours, dont ceux qui font les grands titres de nos programmes ou de nos journaux d’informations.
Quand les nouvelles données sont de nature dérangeante et qu’il serait salutaire de les banaliser en les accordant au style des dialogues du film évoqué, cela de manière théâtrale en cherchant à les exorciser pour les rendre plus digestes, de la façon suivante :
« Je t’observais à distance quand tu lisais ton journal, Marcel, et tu répétais à plusieurs reprises bizarre, bizarre. Je pensais qu’il s’agissait d’un nouveau variant, un de ces machins qui nous empoisonnent la vie !
-Tiens donc, comme c’est étrange, pourquoi aurais-je dit bizarre, bizarre, c’est bizarre ?
Il est possible que cela soit bizarre, car tout est bizarre désormais, mais quand même, c’est bizarre que de dire bizarre, bizarre ! »
Pour rester avec Louis Jouvet (Acteur incontournable) on pourrait le retrouver ensuite dans son rôle du Docteur Knock en adaptant la situation alors qu’il est en train de farfouiller dans les narines d’un patient, avec un écouvillon profond, pour faire un examen P.C.R. Tout en lui posant la question bien connue :
« Alors, ça vous chatouille ou ça vous gratouille ? »
Et l’autre d’hésiter avant de répondre alors que l’on connait la suite, quand le Docteur Knock lui conseille de rentrer chez lui et de se mettre au lit, fissa-fissa, puis de faire un relevé précis de sa température, rectale, régulièrement. Une manière de le conditionner, doctement, afin de l’incorporer dans la nébuleuse anxiogène et passive de ses nombreux malades qui s’ignorent. Une demande bizarre qui bizarrement n’a pas encore été envisagée par de nombreux décideurs politiques, lesquels pourraient très bien exiger de leur population, comme celle d’un Bizarre-Land par exemple, une prise quotidienne de température, par individu, à une heure précise de la journée. Histoire de les collationner, toutes, et de les consolider pour obtenir, jour après jour, la moyenne de l’état sanitaire du pays. Le maintien d’un 37° C global devant servir d’objectif absolu afin de rassurer la population sur l’état de sa santé et de ne rien ajouter, non plus, au réchauffement climatique. Une composante importante qui n’a encore jamais été prise en compte par les nombreux spécialistes, sourcilleux, du climat alors que la démographie mondiale ne cesse de croitre et que les épidémies fiévreuses, fluctuantes, ne peuvent être écartées. Bizarre, bizarre, mais il s’agit d’un autre sujet bizarre.
Enfin avant de quitter Louis Jouvet, à regret, et pour rester sur une note fantaisiste, on pourrait le rencontrer une fois de plus, dans un autre film célèbre (Hôtel du Nord, de Marcel Carné) quand Arletty s’époumone en exultant son célèbre et inimitable « Atmosphère ! Atmosphère …» que l’on pourrait adapter aux circonstances actuelles en l’imaginant indignée, déclarer :
« Cas Contact ! Cas Contact ! Est-ce que j’ai une gueule de Cas Contact ? »
Une réplique qui pourrait être bizarre, bizarre car prononcée sous un masque, avec tous les charmes contrariés et dissimulés de son adorable minois. Dommage !
Quant à mon ami, Marcel, je l’ai rencontré alors qu’il était en train de déguster une assiette de boudin aux pommes, tout en déclarant :
« Bizarre, bizarre ! Le monde est complétement bizarre, de plus en plus bizarre !
– Ah bon, tu me rassures, Marcel, je croyais que c’était ton boudin aux pommes qui était bizarre, bizarre !
-Mais non, mais non. Heureusement qu’il nous reste encore ça !
Paul Gamberini