« Grand Colombier – 24 août 2024
Monsieur le Maire, Madame la Présidente de l’Unité locale Croix-Rouge du Bugey, (Danièle Michel) Monsieur le Président territorial de la Croix-Rouge dans l’Ain, (Jean-Pierre Maulet), Mesdames et Messieurs de l’équipe Croix-Rouge de Culoz, Cher René, Cher Martine, Chères et chers Fêlés du Grand Colombier,
Chères amies cyclistes,
Chère Famille,
Remontons dans le temps. Nous sommes en 1859. Cette année-là, Henry Dunant vient à Culoz, village qui est en train de changer et d’entrer dans l’ère moderne. La population augmente, en trois ans on passe de 1300 à 1600 habitants. Henry Dunant vient peut-être en train.
Et justement, ces changements sont en grande partie dûs à la construction trois ans plus tôt de la voie ferrée Lyon-Culoz (1857), Culoz-Genève (1858), et l’achèvement du pont métallique sur le Rhône permettant le raccordement à la ligne de train qui va en Italie. Culoz est à ce moment le nœud de liaison Suisse- Italie et Paris-Lyon-Italie (Culoz gare frontière avec le royaume de Sardaigne).
Nous sommes en 1859. L’arrivée de la machine à vapeur sur les voies ferrées est une véritable révolution industrielle. La gare prend de l’ampleur, une nouvelle population arrive : chefs de gares, employés, lampistes, télégraphistes… Par contre les cinq gardes-barrières, sont des femmes originaires de Culoz. De nombreuses constructions neuves sont édifiées à proximité de la gare, cafés auberges, qui créent un nouveau quartier et agrandissent le périmètre du village ancien.
En bordure de la zone habitée c’est le vignoble culozien. Les vins de Culoz sont réputés parmi les meilleurs de la région. La majorité des habitants est constituée de vignerons.
Cette année-là s’achèvent les travaux d’ouverture et de construction d’un important tronçon de la nouvelle route d’accès à la montagne du Grand Colombier. Cette route est construite grâce aux « prestations volontaires » des chefs de famille de Culoz, ils sont 231.
Nous sommes en 1859, le 26 avril. Le genevois Henry Dunant se rend à la mairie de Culoz, à cette époque sur la place du Four des Halles, en face de la nouvelle Eglise qui n’existe pas encore. Cette place est le centre du village depuis le 18ème siècle, et elle accueille le marché hebdomadaire du mercredi et les foires annuelles. Puis c’est la place de la Croix qui devient le centre.
A 31 ans, Henry Dunant reçoit dans cette mairie la nationalité française. S’il peut devenir français, c’est que les descendants des protestants qui ont fui la France après la Révocation de l’Edit de Nantes peuvent obtenir la nationalité française. Et c’est à Culoz, parce que depuis 1793 la famille Dunant y a une maison, la Chèvrerie.
Henry Dunant a besoin de la nationalité française pour ouvrir une société française en Algérie pour ses affaires professionnelles genevoises. Une fois devenu Français, il décide aussi d’obtenir une entrevue avec Napoléon III pour ses affaires. Il se met alors en route pour le nord de l’Italie à la poursuite de Napoléon III, en guerre contre l’Autriche.
Nous sommes en juin 1859. Henry Dunant court après l’Empereur à Parme, Plaisance, Crémone, Brecia, et arrive le 24 juin à Castiglione. Castiglione est une ville se trouve à quelques kilomètres de Solférino où l’armée franco-italienne vient de vaincre l’armée autrichienne. C’est une bataille sanglante que cette bataille de Solférino, en fin de journée les blessés sont transportés à Castiglione. Des milliers de blessés arrivent à dos de mulet, en voiture ou à pied pour ceux qui peuvent. La ville devient un immense hôpital improvisé. Rien n’est prévu, l’affolement est à son comble.
Henry Dunant constate tout cela, se retrousse les manches, se met au travail, il organise les secours les plus urgents. Donner à manger et à boire aux blessés, panser les plaies, laver les corps ensanglantés. Les pieds sur terre Henry Dunant voit tout, s’occupe de tout, envoie son cocher chercher des ravitaillements en bandages, camomille et mauve pour laver les plaies, sucre, chemises, bandes de toiles. Il réunit les femmes à l’œuvre et manage les secours. Il ne fait aucune distinction de nationalité entre les blessés, et cette compassion déteint sur les femmes de Solférino qui s’occupent également de tous les blessés.
Pendant une accalmie, il écrit ce qu’il est en train de vivre et ce texte il le reprendra un an et demi plus tard dans un ouvrage qui fera date, ‘‘Un souvenir de Solférino’’. A la fin de ce livre, dont certains passages décrivant la condition des blessés sont insoutenables, il y écrit le message qui est à l’origine de la Croix- Rouge, ces deux idées nouvelles : première proposition :
il faut rendre neutre le personnel sanitaire, les secours, pour leur permettre d’agir. Deuxième proposition : il faut préparer en temps de paix des sociétés de secours qui donneront des soins aux blessés pendant la guerre sans être prises au dépourvu. Cette idée est à l’origine de la Croix-Rouge. Le livre est un succès.
Ce livre est édité, rapidement épuisé, Dunant relance les éditions. En 1863 se réunit la première commission à l’origine de la Croix-Rouge, cinq membres dont il fait partie, qui décident de mettre en œuvre les idées d’Henry Dunant et de convaincre les Etats européens d’améliorer le sort des soldats blessés. Henry Dunant parcourt l’Europe entière infatigablement pour convaincre tous les dirigeants d’adhérer à ces idées.
Nous sommes le 22 août 1864, 16 Etats sont représentés à Genève et signent la première convention de Genève « pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées de campagne ». C’est la Croix-Rouge, Au départ donc, la protection des militaires blessés. Depuis 1864, le CICR a promu le développement du droit international humanitaire. Au fil des années, cette protection est étendue à la guerre maritime, aux prisonniers de guerre, aux populations civiles et aux victimes de conflits internes. On parle aujourd’hui des 4 conventions de Genève de 1949, des deux protocoles additionnels de 1977 et du protocole additionnel de 2005. Les conventions de Genève sont signées par 196 Etats.
Nous sommes le 24 août 2024, à Culoz, en ce lieu important pour l’histoire Croix-Rouge, qui y est bien présente, où vous, les actrices et acteurs de la Croix- Rouge Culoz, qui forts de 12 adhérents et adhérents et 15 bénévoles, avez ici pour mission d’aider les personnes en situation de précarité en leur apportant des aides financières, alimentaires et vestimentaires, notamment en gérant un centre de distribution alimentaire et la Vestiboutique.
Nous sommes à cette date en haut du Grand Colombier, réunis ici dans le cadre du 160e anniversaire de la première convention de Genève. Grâce à l’idée de Martine et René Mignogna, idée qu’ils ont concrétisée en organisant cet événement, en nous y associant (la famille Dunant, mais on pourrait aussi dire des amis), avec les cyclistes du Grand Colombier, des membres de la Croix- Rouge. Merci infiniment à vous pour toute cette organisation.
Nous sommes en 2024. La situation dans le monde ne nous incite guère à célébrer ces Conventions de Genève, fragiles mots de papier au milieu de conflits destructeurs. Le combat est inégal entre les abominations commises et le pouvoir quasi inopérant des instruments du droit international humanitaire. Mais il existe.
Peut-être alors qu’ensemble, en cette date et ce lieu symbolique et historique, nous pouvons retenir ensemble de tout cela que c’est simplement une personne, Henry Dunant qui a vu l’horreur, a mis les mains dans le cambouis pour trouver des solutions sur place, a eu une idée de génie avec la Croix-Rouge et s’est battu pour cette idée. Inlassablement il a voyagé pour convaincre et réunir les puissants européens, avant internet et les réseaux, il a mis en lien le monde. A sa suite, des milliers de personnes ont agi et agissent sur le terrain, sur les lieux de conflit et dans les lieux de paix, au plus proche de celles et ceux qui en ont besoin. Avec humilité. Aujourd’hui, n’oublions donc jamais de nous retrousser les manches, d’agir autour de nous, et de continuer à œuvrer pour un monde meilleur. »
Anouk, août 2024
Tiré de : Roger Durant, Christiane Dunant, Henry Dunant, citoyen de Culoz, Français de cœur, Genève, 2003. Corinne Chaponnière, Henry Dunant : la croix d’un homme, Paris, 2010.