Avant de poursuivre notre galerie de personnages, feuilletons rapidement le livre d’histoire d’une période souvent confuse où le Bugey n’était pas encore français. Les descendants du « Bugiste des cavernes » quittèrent progressivement notre contrée pour suivre leurs nourritures, les troupeaux de rennes, qui remontaient vers le nord à la recherche de nouveaux pâturages. Ils ont été remplacés par des peuples venus de l’est et du sud, puis par des Celtes en provenance du plateau suisse et, vers les IVe et IIIe siècle av. J.-C., par des Allobroges. Le Bugey, partie intégrante de l’Allobrogie, était alors confiné par les Séquanes au nord et les Ambarres à l’ouest. Tous ces peuples qui parlaient des dialectes celtiques proches composèrent ce que les Romains appelèrent plus tard la Gaule. Les Gallo-Romains surent ensuite profiter pendant quatre siècles de la « pax romana », vivant avec beaucoup de bonne volonté ce que l’on appellerait aujourd’hui « une double culture ». Les Romains eux-mêmes se plaisaient dans cette région proche de Lugdunum (Lyon), de Vienna (Vienne) et de la Cisalpine.
Dès le IIIe siècle, par Genève et Seyssel, des peuples germains comme les Alamans et les Ostrogoths vinrent affaiblir l’empire Romain jusqu’à sa destruction. Les habitants de notre région connurent ensuite durant tout le Moyen-Age l’imbroglio de multiples seigneurs locaux rivaux, l’influence d’autorités ecclésiastiques structurées en diocèses, abbayes et prieurés, la menace des épidémies, de mauvaises récoltes, les invasions des Sarrasins et des Hongrois et, pire que tout, la peur de l’enfer. La région fut ballotée entre de grandes entités lointaines (Empire Romain, Empire d’Occident, Saint-Empire romain germanique, Royaume de Bourgogne) et confrontée à des provinces voisines belliqueuses. Par le jeu des alliances, des échanges et des conquêtes, les seigneuries locales tombèrent sous la domination de la Maison de Savoie. Il fallut attendre Henri IV et le traité de Lyon en 1601 pour qu’après six siècles de domination savoyarde, le Bugey soit durablement annexé au royaume de France, avec la Bresse, le comté de Gex, le Valromey et la rive droite du Rhône depuis Genève. Le Bugey devint ainsi une « province » de l’Ancien Régime. Cet événement important fut accueilli par les habitants dans l’indifférence polie de ceux qui en avaient déjà tant vu et tant vécu, d’autant que la déjà fameuse lourdeur administrative française se faisait aussitôt sentir. Le Bugey fut aussitôt soumis aux contrôles de pointilleux subdélégués de l’Intendant de Bourgogne à Dijon.
C’est ainsi que notre contrée connut un intense brassage de populations et le joug d’injonctions multiples et contradictoires expliquant la double tentation du fatalisme et du repli sur soi. Pourtant, tout se passa comme si la fertilité des sols, l’abondance de l’eau, l’ensoleillement des coteaux, l’équilibre du climat, la douceur des vallonnements, la profondeur des forêts, la vigueur de la vigne, la perspective grandiose des montagnes, jusqu’à cette subtile « transition » entre le nord et le sud, voire même cette position centrale en Occident, comme si tout cela réussissait à préserver une certaine unité, une réelle identité et l’espérance d’une vie meilleure.
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