La colonne vertébrale, la pérennité de la vie d’une commune rurale, ou d’un quartier de ville, c’est souvent un ou deux commerces traversant allègrement de nombreuses décennies, marquant de leur sceau indélébile le paysage de notre quotidien boutiquier.
Encore faut-il qu’il y ait des habitants du lieu pour en garder mémoire et en témoigner.
Et bien, nous avons trouvé à Ceyzérieu ces deux éléments : un commerce né il y a 125 ans, la boulangerie-pâtisserie Journet et un passionné de l’histoire de son village, René Nambotin qui a démêlé pour notre journal le fil historique de cette aventure.
Une aventure sans fin…
Maurice Journet (1877-1943) né à Ruffieu-en-Chautagne épouse après avoir accompli son régiment, Eugénie Montillier et ouvre en 1901, à 24 ans, une boulangerie à Ceyzérieu (1400 habitants environ à l’époque). Un défi, car en ce temps-là les familles cuisaient leur pain aux fours banaux. Un échange s’établit alors entre farine produite par les habitants et l’équivalent en pains de M. Journet. Trois moulins tournaient dans cette commune. C’est avec la fermeture progressive de ces derniers que la boulangerie va connaître son essor. Le couple aura deux fils Jean-Marie (1907-1969) et Marius (1912-1994). Déjà à l’époque, Maurice assure des tournées sur les hameaux avec une carriole tirée par un cheval.
C’est Jean-Marie qui prend la succession de son père et Joanny Cuffet le forme à la pâtisserie. A l’époque un sac de farine pesait 100 kl, à présent 25…
Son fils René naît en 1937 et prendra la suite de 1954 à 2002… Son épouse Arlette et leur employée Mireille Pichon tiendront le magasin. Il cédera sa place à son fils Antoine qui vient d’ouvrir un dépôt de pains à Ruffieu, comme un retour à la source.
Mais il faut savoir que René à 85 ans, assure toujours entre autres deux tournées par semaine, travailleur dur à la tâche et tout aussi actif qu’auparavant !
Maurice, Jean-Marie, René, Antoine : une véritable dynastie régnant sur un commerce de village depuis 125 ans !
L’évolution de la société
A travers cette épopée, c’est toute l’évolution précipitée de notre civilisation que nous pouvons observer. La fin du pain familial au four banal, la disparition sauf exception des fours à bois dans les boulangeries, l’avènement rapide de la voiture, l’exode rural, l’apparition des lotissements, des grandes surfaces. Ce qui ne signifie pas l’absence de vie dans nos campagnes où les élus travaillent à y assurer l’activité artisanale, culturelle enrichie d’une toujours plus grande qualité de vie.
La famille Journet à travers son commerce est comme un trait d’union rassurant entre toutes les générations qu’elle a traversées jusqu’à nous.
Michel Bigoni