Le samedi 21 avril, lors des Journées des Plantes au lac d’Aiguebelette
Petite présentation
Patricia Beucher est journaliste. Son emploi du temps lui a donné l’idée d’une méthode pour entretenir un jardin de 3 000 m², avec basse-cour sans s’en occuper tous les jours (15 jours de travail par an) : “Le beau jardin du Paresseux” actualisé en 2013 sous le nom de : “Jardiner sans se planter”.
Ses derniers livres
“Ma tondeuse est silencieuse”, “Zéro pesticide dans mon jardin”, “Choisir et élever ses poules”, “Toilettes sèches à compost”… relatent son expérience de jardinier écologique, économe en temps et plein de ressources.
Son blog
https://savoirspartages.wordpress.com
Ballad’Ain : Est-ce que vous pouvez expliquer cette notion de mondialisation des plantes ?
« Depuis que l’agriculture existe les plantes circulent de main en main, et contrairement à la mondialisation cruelle du monde des affaires, les hommes s’échangent des plantes gratuitement, en un commerce aimable et partageur. Donner un peu de sa récolte, des graines ou des boutures, c’est un geste profondément ancré dans la tradition des cultivateurs, professionnels comme amateurs. On aime à partager ce qui est bon et c’est tant mieux. Je me réjouis de constater que plus que jamais les trocs de plantes se répandent, et font que des inconnus partagent sans arrières pensées, quelque soit la couleur et la fortune des partenaires. Pour moi, avec la musique, la culture des plantes est l’un des lieux les plus partageurs, et les plus fluides en ces temps pétrifiés par la peur et l’égocentrisme. Peut-être est-ce dû à ce miracle de la graine à la fleur et de la fleur à la graine qui multiplie si vite le minuscule et le déploie en multitude inattendue, car les plantes sont pleines de surprises. On l’a vu dernièrement quand l’amarante, une belle sud-américaine a réussi à défier le Roundup en envahissant les champs ensemencés avec des OGM «Roundup ready», censés pousser sans compagnie indésirable ! Un bel exemple de résistance triomphante, qui nous rappelle que la liberté est une valeur fondamentale et que rien au fond ne peut la détruire. Aussi vivace qu’une fleur sauvage !
Ballad’Ain : Comment était pensé cette mise en culture de certaines plantes qu’on exportait à l’autre bout du monde pour se mettre à les cultiver ?
Vous pouvez nous en citer ?
La plupart des plantes familières d’aujourd’hui sont des étrangères, du pin Douglas roi des bardages des maisons écolo au platane, du marronnier à la tulipe. Et n’oublions pas que la rose dite gallique, la rose de France, provient vraisemblablement du Moyen-Orient ! Quel soldat ou quel notable romain ou andalou a eu l’idée de l’acclimater en Europe, on n’en sait rien.
Beaucoup de vieilles fleurs de jardin comme la primevère auricule, la gueule de loup ou l’ancolie sont descendues des montagnes pour se répandre dans les plaines. Dans la musette des colporteurs.
Le grand voyage des plantes a pris son essor avec les expéditions coloniales au XVIIe siècle, c’est ce trafic maritime qui a fait du XIXe siècle l’âge d’or des jardins, avec une foison de plantes d’Asie, d’Amérique, d’Afrique. Ce fut l’occasion d’un énorme gâchis, car à vrai dire, non seulement le voyage était périlleux – des mois sur un bateau dans les embruns – mais on ne savait pas toujours comment acclimater ces plantes collectées par des botanistes qui décrivaient rarement leur mode de vie. Par exemple, quand le pélargonium (dit géranium) est arrivé d’Afrique du sud vers 1800, en même temps que les pivoines chinoises, on les a d’abord cultivés en serre durant une vingtaine d’années, et c’est seulement parce que ça ne leur réussissait pas qu’un horticulteur plus observateur que les autres décida de les cultiver dehors. On a estimé que les deux tiers des plantes parvenues en Europe ont péri faute de discernement, et si l’on en croit les courriers adressés par les explorateurs à leurs correspondants européens, certains étaient bien fâchés d’avoir pris autant de risques pour des plantes finalement gaspillées. »
Propos recueillis par Laurie Lombard