Nouvel épisode de pluies diluviennes à Belley dans la nuit de dimanche 13 à lundi 14 septembre. Une nouvelle fois, les commerces du bas de la ville ont été touchés, certains annonçant même leur fermeture pour un délai indéterminé. Des inondations qui ne sont pas sans rappeler celles de juillet dernier. Souvenir…
Mercredi 22 juillet, fin d’après-midi. Les nuages s’amoncellent sur Belley, pas un souffle de vent pour les chasser. A 19 heures, le ciel s’est encore assombri, la ville est quasiment plongée dans le noir. Des pluies diluviennes s’abattent alors sur Belley, provoquant des inondations dans tout le bas de la ville.
Ce 22 juillet, vers 19h, Marc (dit « Goan ») et son ami Sylvain, deux habitants de la rue Saint Jean, arrivent au parking de l’Ilot Baudin. Marc y loue un garage ; toute la vie de ce Ch’ti est là, entreposée sur quelques mètres carrés de béton. Sylvain est venu lui prêter main forte pour déménager des affaires, il a garé son véhicule derrière celui de son beau-père, une petite voiture achetée neuve 3 ans auparavant. Ils entendent du bruit au-dehors, remontent par l’escalier de secours. A la surface, l’eau a déjà envahi les rues. 10 cm devant le cinéma, 20 vers le bureau de tabac, 40 devant la boutique du traiteur… Le niveau monte au fur et à mesure de leur progression dans la rue Saint Jean, ils ont bientôt de l’eau jusqu’à la taille. Marc a un mauvais pressentiment, veut faire demi-tour, inquiet pour ses affaires. C’est alors que les deux amis entendent un énorme craquement : la porte du parking souterrain vient de céder. L’eau s’engouffre dans le trou béant, créant un tourbillon. 25 voitures sont irrémédiablement noyées, recouvertes par plus d’1 mètre 50 d’eau boueuse…
A la surface, les secours s’organisent. A l’arrivée des pompiers, Manu, un habitant du quartier, ancien pompier volontaire, leur prête main forte dans le garage de l’Ilot Baudin. Il faut faire vite, quelqu’un est peut-être coincé à l’intérieur. Marc et ses amis Sylvain, Nora et Stéphanie, tous locataires de la rue St Jean, aident les habitants naufragés à rentrer chez eux. L’eau descend peu à peu. Ils proposent leur aide aux commerçants présents à cette heure tardive, contactent ceux qui ne sont pas encore au courant. Armés de balais, seaux, serpillères, serviettes éponges, nos « mousquetaires » commencent à écoper, nettoyer, pieds nus dans l’eau sale. Il y a même Athénaïs, 13 ans, la fille de Nora. Tous sont incroyablement organisés et efficaces : ils ne se posent pas de questions, ils agissent, alors que d’autres viennent en spectateurs constater l’étendue des dégâts… Jusqu’au milieu de la nuit, les cinq comparses aideront à sauver ce qui peut l’être. Ils n’étaient pas obligés de le faire ; juste un élan de solidarité, de la gentillesse à l’état pur.
Le lendemain, tout le quartier a un peu la gueule de bois. Les dégâts sont importants, la ville demande un classement en catastrophe naturelle. Marc a perdu toutes ses affaires, « toute [sa] vie », Sylvain et son beau-père leur voiture. Sylvain est mal assuré, même le dépannage n’est pas pris en charge. Entre temps, il a aussi perdu son travail à Chambéry… Il faut remplir les dossiers d’indemnisation, mais tout semble compliqué : comprendre le « jargon » administratif, se procurer des photos, joindre les justificatifs… Nos héros se sentent un peu perdus, désarçonnés par les soucis du quotidien, mais ils ne baissent pas les bras ; car dans tout drame, il y a une lueur d’espoir. Leur fée à eux s’appelle Colette. L’artiste belleysane, touchée par la générosité de ses voisins, décide de les épauler à son tour. « Colette nous a aidés à faire les papiers, à chercher une voiture, elle a été là. Si on peut trouver des gens comme elle, il y en a peut-être d’autres, qui ne se font pas connaître, et restent un peu sauvages ».
Vendredi 14 août, presque un mois est passé depuis la catastrophe. Marc, Manu, Sylvain et Nora se retrouvent chez Colette pour évoquer cette aventure particulière. Tous ont le sentiment d’avoir fait leur devoir, sans arrière-pensée : la solidarité et l’entraide font partie de leurs valeurs. «C’est notre rue, la vie est dure, il faut bien se serrer les coudes ». Marc avoue s’être senti un peu seul, à son arrivée dans le quartier ; « mais maintenant, on se connait tous ! » ajoute-t-il dans un éclat de rire. Reste que les lendemains sont parfois un peu difficiles… Pour Sylvain, il a fallu racheter une voiture, pas trop chère. Son beau-père sera peu indemnisé. Marc, quant à lui, ne récupèrera pas ses affaires. Mais eux restent plutôt positifs : « On a eu les remerciements des commerçants le lendemain, ils n’ont pas tout oublié. J’ai même gagné une canette ! » claironne fièrement Sylvain. Les images reviennent sans cesse dans leurs esprits, mélange d’instants tragiques et de moments de grâce, pendant lesquels ils se sont distingués. Tous espèrent que la catastrophe aura au moins servi à une chose, créer du lien avec leurs voisins. « Et maintenant, chaque fois qu’il pleut, on souhaiterait presque que ça recommence… »
Fabienne Bouchage
c’est en lisant tout ceci,que je me dis,il y a encore de braves gens,je leur dit bravo,et espere que tout ira bien par la suite