C’est le nouveau visage de l’hôpital de Belley : depuis un mois à peine, José Pulido a pris la direction du Centre Hospitalier Bugey Sud, après un parcours pour le moins atypique.
Sociologue de formation, ce natif de la région Auvergne Rhône-Alpes a fait ses premières armes aux Hospices civils de Lyon, avant de se frotter un temps au secteur hospitalier privé. Trop éloigné de ses valeurs, il le quitte au bout de 10 ans et exerce diverses fonctions de Direction dans la région parisienne et dans les Hauts de la France. Fort de toutes ces expériences, il saisit, il y a peu, l’opportunité de se rapprocher de sa région d’origine en acceptant de prendre la direction, par délégation de M. Chambaz (chef d’établissement du 4ème établissement de la région (CHMS), ndlr), du centre hospitalier Bugey Sud.
Sportif, José Pulido est instructeur de plongée (fédérations française et américaine), pratique la boxe française comme moniteur fédéral et juge arbitre… Il dit de lui-même qu’il est plutôt « dynamique » et qu’il « aime bouger », on aurait tendance à le croire !!!
Ballad’Ain : Quelle a été votre première impression en découvrant notre ville ?
José Pulido : « J’ai été très bien accueilli. La ville de Belley offre plein de possibilités de loisirs, avec un cadre de vie qui me convient parfaitement. J’ai été positivement surpris de constater qu’une ville de la dimension de Belley ait des équipements sportifs aussi conséquents. Cela prouve une politique de la ville très investie et dynamique, c’est louable. C’est le reflet de pas mal d’activités, y compris au niveau de l’hôpital.
Ballad’ : Dans quel état avez-vous trouvé l’établissement ?
J. P. : L’hôpital Bugey Sud a certaines difficultés que l’on retrouve dans tous les établissements. La crise sanitaire a généré un nouveau paradigme, avec une fuite importante d’une partie de nos professionnels, qui complexifie le fonctionnement de nos structures. Cependant, malgré l’absentéisme et les difficultés de recrutement, au quotidien les équipes sont très investies et extrêmement professionnelles. Tout le monde a la volonté de fournir un travail sérieux, de répondre aux besoins du patient avec beaucoup de professionnalisme. C’est l’un des points forts de cet hôpital.
Ballad’ : D’autres points forts ?
J. P. : La maternité, notamment. Très bien équipée, avec une salle de pré-travail « nature », et un accompagnement plutôt avant-gardiste, des méthodes moins invasives…
C’est valable pour d’autres secteurs : on pratique au CH Bugey Sud une chirurgie très satisfaisante et d’un excellent niveau, avec des médecins reconnus dans leur expertise. Au niveau médical et SSR, les prises en charges proposées sont également d’un excellent niveau et les médecins sont porteurs de projets innovants et dynamiques.
A ce propos et à titre personnel, j’ai accompagné récemment l’un de mes proches à se faire soigner dans l’établissement, ce qui m’a permis d’apprécier la qualité de la prise en charge ainsi que les soins prodigués.
Et quand les membres du personnel invitent leurs proches à venir se faire soigner dans l’établissement, c’est qu’ils sont sûrs et certains de la qualité des soins qui y sont prodigués !
Ballad’ : L’hôpital de Belley est tout neuf (2 ans), les équipes ont dû faire preuve de beaucoup d’adaptabilité, entre le déménagement, la crise sanitaire…
Dans quel état d’esprit les avez-vous trouvées ?
J. P. : J’ai pris soin de rencontrer tous les chefs de service depuis ma prise de fonction. Je trouve les équipes motivées à double titre, car parfaitement intégrées à la région qu’elles connaissent bien, d’une part, et d’autre part parce que c’est leur hôpital, elles veulent se battre pour fournir des prestations à la hauteur de leurs ambitions mais aussi répondre aux besoins des habitants. Elles ont de nombreux projets tous plus intéressants les uns que les autres. On va même avoir du mal à les suivre !
L’hôpital propose beaucoup de consultations avancées, de spécialités. Cela est le fruit des conventions passées au sein du GHT, puisque nous avons des médecins spécialistes qui viennent de Chambéry. Cela a été la volonté de M. Chambaz d’instaurer cette dynamique et cet élan pour permettre des prises en charge de spécialités complémentaires dans le bassin de vie BUGEY SUD.
Ballad’ : Emmanuel Macron a annoncé la fin de la tarification à l’activité (T2A). Avez-vous des clarifications sur le modèle qui va la remplacer ?
L’échéance de sa mise en place ?
Cela va-t-il réorienter la prise en charge des patients ?
J. P. : Le Président de la République a parlé d’une mise en application d’un nouveau mode de tarification dans les 2 ans. Pour le moment nous n’avons pas d’information, nous sommes dans l’expectative. Pour la prise en charge, par définition un hôpital n’est pas forcément « rentable » car il a une mission de service public et une obligation de moyens. Certaines activités sont forcément déficitaires, comme les urgences / SMUR. Mais est-ce le sujet quand certaines vies humaines sont en jeu ? Il est normal d’avoir une approche gestionnaire, mais nous avons aussi la nécessité d’assumer nos obligations vis-à-vis de la population du Bugey.
C’est cela le service public.
Ballad’ : Les Français ont de plus en plus de mal à trouver un médecin traitant, les délais pour consulter un spécialiste s’allongent…
Comment assurer la prise en charge des patients, quand on sait que beaucoup se tournent vers l’hôpital, de fait extrêmement sollicité pour répondre à la demande ?
J. P. : La population française vieillit, elle développe davantage de pathologies liées à l’âge : problèmes de mémoire, de déambulation, pathologies cardiaques ou pulmonaires, etc. Nous devons nous donner les moyens de les prendre en charge au niveau de leur santé, de leur proposer des soins médicaux adaptés. L’objectif c’est de soigner les personnes du bassin de vie, mais aussi de leur permettre de rester à domicile le plus longtemps possible. Pour cela des partenariats professionnels de santé de ville/hôpital, associations/hôpital existent. L’hôpital ne vit pas seul au milieu d’un territoire, il travaille avec d’autres acteurs avec qui il partage la prise en charge des besoins de santé.
Le gouvernement a annoncé la suppression du numerus clausus pour les médecins, mais former un généraliste prend 9 ans et 12 ans pour un spécialiste. Notre région est suffisamment attractive pour générer l’envie chez les jeunes praticiens de venir s’installer ici. Les jeunes internes trouvent notre hôpital intéressant, à taille humaine, accueillant…
Les étudiants sont bien encadrés, tutorés par des médecins seniors bienveillants qui partagent leurs expertises.
Le centre hospitalier Bugey Sud a ainsi beaucoup d’atouts. Nous essayons d’ouvrir au maximum des stages pour les internes, et ils viennent car le travail de nos médecins et de nos chirurgiens est reconnu.
Ballad’ : Le CH Bugey Sud recrute-t-il ?
J. P. : Nous avons effectivement des postes médicaux vacants, même si beaucoup de professionnels reviennent à l’heure actuelle après une expérience ponctuelle ailleurs. C’est salutaire car cela les remotive à réintégrer le centre hospitalier.
Nous avons également des postes d’infirmièr(e)s et d’aides-soignant(e)s à pourvoir – à temps plein ou à temps partiel pour concilier vie personnelle et vie professionnelle.
Ballad’ : La HAS (Haute Autorité de Santé) ouvre la voie à la réintégration des soignants non vaccinés dans les structures de soins.
Quel impact pour l’hôpital de Belley ?
J. P. : Nous ne sommes pas concernés par le sujet, tout le monde a joué le jeu et a été vacciné.
Ballad’ : Y a-t-il trop de personnel administratif à l’hôpital ?
J. P. : Pour moi c’est un faux débat. Il suffit qu’une catégorie de personnels bascule dans l’administratif (comme les secrétaires médicales, par exemple) pour gonfler les chiffres. Je pense qu’il faut le personnel nécessaire dans chaque secteur d’activité, sans excès. On ne cherche pas à faire des économies, juste à respecter le budget qui nous est alloué.
Ballad’ : En parlant de budget, la loi Egalim impose depuis le 1er janvier 2022 de consacrer 50% des achats alimentaires aux produits bio et labellisés, en privilégiant les circuits courts.
Beaucoup d’établissements ne l’appliquent pas, qu’en est-il de l’hôpital Bugey Sud ?
J. P. : Il est difficile pour un établissement de notre taille de s’approvisionner chez les producteurs locaux, qui ne pourraient pas nous fournir en gros volumes tout au long de l’année. On trouve peu de producteurs bio, par exemple, dans notre région, capables de produire les quantités de fruits et légumes nécessaires à la fabrication des repas tout au long de l’année. Par ailleurs, la guerre aux portes de l’Europe a impacté l’ensemble de l’économie et fait monter les prix des denrées alimentaires de façon importante.
L’hôpital de Belley fait partie d’un groupement d’achats qui permet, en massifiant les achats, de baisser les coûts. Le revers de la médaille, c’est que nous ne sommes pas toujours maîtres du circuit qui va nous livrer (par rapport au circuit court d’approvisionnement recommandé).
Mais nous avons la chance d’avoir une cuisine sur place, très bien équipée. L’équipe de restauration est investie, cuisine beaucoup de produits frais et assure une prestation hôtelière de qualité, avec des repas servis à l’assiette et non plus en barquette.
C’est esthétiquement beau et bien meilleur au niveau organoleptique.
Ballad’ : Aviez-vous une feuille de route en prenant ce poste ?
J. P. : Non, pas de feuille de route. Néanmoins, accompagner l’établissement dans ses projets, maintenir le service public qui est le cœur de l’hôpital, apporter des offres de soins, fait partie des missions de tout directeur.
Par ailleurs, je souhaite, avec le dynamisme qui me caractérise, aider les médecins dans leurs projets, poursuivre leur quête de perfection, répondre au mieux aux demandes du public. Je prône l’écoute, la bienveillance et la bientraitance. Cela fait partie de mes valeurs à titre personnel et des valeurs que je souhaite développer dans tous les établissements où je travaille.
La T2A arrive au bout d’un cycle, il faut désormais trouver un autre modèle ; j’ignore lequel, mais dans tous les cas, l’hôpital continuera de fonctionner et d’assurer sa mission de service public.
Ballad’ : Que diriez-vous à ceux qui continueraient de privilégier d’autres établissements pour se faire soigner ?
J. P. : Nous avons la chance d’avoir un outil moderne, avec des blocs opératoires, des services, un laboratoire et une imagerie médicale flambant neufs, des équipes dynamiques, des praticiens formés aux méthodes d’aujourd’hui et qui, pour beaucoup, collaborent avec des centres universitaires.
Heureusement que l’hôpital de Belley existe, il a toute sa place sur le territoire. Les habitants du Bugey doivent venir se faire soigner ici, car c’est leur hôpital. On est là pour eux.
Et plus ils viendront, plus on pourra développer de nouvelles prises en charge.
Propos recueillis par Fabienne Bouchage