“Quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins, à bicyclette”
Nous parcourions la Vélo-Route, sur le tracé de ses villages
Y avait Coron, y avait Magnieu, y avait Musin, et ses rochers, et puis Chanaz
Nous pédalions tout en douceur, d’un matin frais fait de bonheur
Dans ce Bugey de liberté entre nature et paysages
Dans ses espaces préservés…A bicyclette !!!
Qui ne chanterait pas les mérites de notre superbe Vélo-Route, au tracé sinueux, obtenue de longue lutte, paraît-il, quand la Savoie conquérante voulait s’en arroger tout le parcours ? Alors que désormais, grâce à son existence exceptionnelle, elle offre à notre territoire un itinéraire aux charmes particuliers, le long d’un canal imposant posé dans un environnement encore naturel et longtemps protégé. Et puis quel extraordinaire privilège que de l’avoir là, près de chez nous, et de savoir qu’elle se destine aux plus lointaines ambitions. Ses rêves, son aboutissement, c’est de rejoindre la mer, un jour, puis de découvrir ce ciel plein de méditerranée, toujours bleu, fait de lumières qui illuminent des rivages enchanteurs lesquels fascinent les esprits intrépides. De ceux qui descendent vers le Sud et qui en croisent d’autres, de ceux qui remontent vers l’aventure des Alpes, celle de la Suisse et bien au-delà encore. Peut-être discutent-ils entre eux et s’émerveillent-ils au passage du Bugey noyé dans le calme de ses collines verdoyantes montrant les atouts d’un tourisme particulier. Celui d’une ville trop réservée, à l’écart, presque pudique, aux nombreux mystères trop longtemps cachés et qui s’ouvrent enfin à la curiosité : celle de Belley.
Cette piste, cette route, cette Vélo-Route (ou portion de ViaRhôna) est une offrande qui nous a été accordée comme un joyau précieux. Elle nous a été confiée, à la garde de notre vigilance, afin d’en préserver la fragilité et de pourvoir utilement à son entretien et à son environnement comme on pourrait le faire pour un site très convoité. Un itinéraire sur lequel se focalisent la surprise, l’admiration et les plaisirs des grandes balades. De tout ce qui s’ouvre aux efforts, aux promenades, aux découvertes, aux détentes et aux bienfaits de la nature. Mais sommes-nous capables de produire de tels ressentis, de telles joies ou de telles satisfactions telles que nos orientations touristiques nous le commandent désormais ?
Enfin sommes-nous suffisamment responsables afin d’aimer cette Vélo-Route, comme il se doit, d’en mesurer l’importance véritable pour mieux la préserver, pour mieux la protéger ?
Cela n’est pas si sûr !!!
Car ce qui est établi, officiellement, et qui doit être pris en compte c’est que le vélo, sous toutes ses formes, fait désormais l’objet d’une stratégie communautaire déterminante inscrite dans l’évolution de notre économie touristique. Ce sont des engagements qui doivent être rappelés, sérieusement, afin de satisfaire nos impératifs d’améliorations liés à nos structures d’accueil. Qu’elles soient de types hôteliers ou de natures culturelles, toutes devant être valorisées, développées, à la mesure de ce qu’elles doivent représenter d’excellence. Mais là aussi il y a tant de choses à faire….
Afin d’en savoir davantage, j’ai imaginé ce que je pourrais écouter de notre Vélo-Route, si d’aventure elle pouvait s’exprimer, et cela en la parcourant lentement par une belle journée de printemps.
Au début c’est un murmure un peu ironique que je ressens car mes prouesses ne sont pas à la hauteur de ce qu’elle a l’habitude de connaître, avec les passages de cyclistes chevronnés, mais qu’importe. La nature douce de la piste me convient parfaitement et il y a entre elle et moi une sorte de complicité immédiate qui s’établit comme si mon allure de balade et le sentiment d’admiration que j’éprouve étaient conformes à ce qu’elle préfère particulièrement. Je comprends qu’elle puisse être lasse de ces passages rapides et de ces indifférences de comportements qui ne se concentrent que sur la performance. Elle est là pour la promenade et pour l’admiration de ce qui l’entoure de nature et de symboles. Car bientôt apparaît le magnifique Château de Musin avec l’éventail lumineux de sa colline, et là, je la sens inquiète.
Comment allons-nous préserver ce bel endroit, me dit-elle, avec toutes les rumeurs de bouleversements que j’entends souvent ? Mais comment la rassurer car je ne peux m’empêcher de penser au célèbre roman de Daniel Rops “Mort où est ta Victoire ?” dont le déroulement se passe, en partie, dans ce Château. Un titre qui pourrait bien avoir quelque chose de prémonitoire ?
J’ai laissé la Vélo-Route au lieu-dit le “Lit au Roi” et j’ai l’impression qu’elle était heureuse d’aller vers les Savoie car elle m’a murmuré : « Au moins, là-bas, j’ai l’impression que l’on m’aime beaucoup et que l’on comprend vraiment ce que je représente ! »
Peut-être y cherchera-t-elle une déviation, un jour, qui sait ? A bicyclette !!!!
P. G.