Je me suis laissé aller dans l’imaginaire fabuleux d’un rêve éveillé. Je parcourais les rues de notre bonne vieille ville de Belley ouverte sur l’espace fantastique d’un futur éloigné. C’était super ! J’avais les allures convenues d’un touriste émerveillé, baskets aux pieds, le pas trainant, l’œil curieux et l’humeur passablement apaisée.
Pour tout dire, j’étais disposé à saluer tout le monde avec la mine réjouie de celui qui découvre, avec enchantement, les arrangements soignés d’un environnement urbain méticuleusement ordonné. A la fois beau, prospère, accueillant et densément fréquenté, tel que je désespérais de pouvoir le contempler un jour.
C’était une vision idyllique qui pourrait paraitre ambitieuse pour certains, étonnante pour d’autres ou carrément loufoque pour les plus incrédules. Mais qu’importe car à la réalité des choses tristounettes les rêves opposent leurs fantaisies colorées, celles qui permettent de tout embellir.
Ils servent à ça !
La Grande Rue était devenue complétement piétonne et retrouvait ses attraits d’antan ; ombragée par des arbres régulièrement espacés lesquels développaient leurs ramures feuillues comme des ornements soignés qui soulignaient les charmes et les couleurs de l’été. Elles puisaient la lumière du soleil pour en faire de belles ombres qui ponctuaient la promenade en autant de stations offertes aux plaisirs citadins. Ceux de boutiques nombreuses et diverses, aux vitrines soigneusement offertes à la curiosité, ceux de terrasses de bistrots qui entretenaient le délassement de nombreux clients souriants et heureux. Lesquels se laissaient aller dans un bien-être de partage offert aux échanges amicaux. Il y avait dans leurs comportements des signes de satisfactions qui rayonnaient comme des touches de bonheur. Elles s’ajoutaient à l’humeur d’une cité animée, heureuse, agréable et vivante. Le buste de Brillat-Savarin toujours placé en traditionnelle figure de proue, semblait avoir avait perdu de son air grave pour afficher une esquisse de sourire qui s’accordait à l’ambiance d’un renouveau longuement espéré.
Il est vrai que la Maison Saint-Anthelme, si souvent bidouillée par de nombreux esprits géniaux, abritait désormais une superbe Ecole Hôtelière, laquelle offrait les annexes d’une restauration recherchée. La cuisine retrouvait des saveurs oubliées qui s’accordaient au terroir bugiste marqué par ses productions locales associées à la qualité de ses truffes précieuses. La ville renouait ainsi avec sa vraie vocation.
Balade aidant, je découvrais d’autres réalisations qui s’ajoutaient les unes aux autres pour former un ensemble cohérent, quand tous les emplacements, les recoins, les impasses, les courettes et les espaces les plus secrets participaient du même engagement pétri de beau de soins et de respect. C’est alors que je fis une rencontre inattendue, prête à tout me raconter de ces changements surprenants.
Il s’agissait d’une très vieille amie, autrefois peintre célèbre, de toutes les couleurs et de toutes les façons, laquelle faisait encore la renommée d’une petite rue trop longtemps délaissée. Elle venait de rentrer dans sa 102ème année et malgré l’une de ses prothèses branlante, la gauche, elle affichait une santé étonnante et un caractère bien trempé qui avait toujours son mot à dire. Elle me raconta qu’au cours de plusieurs mandatures heureuses, nos élus avaient découvert, comme par enchantement, les atouts de leur ville et avaient appris à l’aimer, subitement, comme un coup de foudre entièrement municipal. Cette prise de conscience étonnante, partagée par une large partie de la population avait permis de modifier le cours des choses de façon significative. Courageusement on avait décidé de faire revivre le centre-ville à la manière d’un Campus Scolaire compte-tenu de la forte concentration d’élèves lesquels promenaient dans les rues leur belle jeunesse avec leur enthousiasme, leurs espoirs et la fraîcheur de leur âge.
La piscine avait été ramenée là où elle devait être, immédiatement accessible et l’esprit général se voulait être favorablement citadin. L’organisation communautaire (Com/Com) avait investi le Palais Episcopal, quant à la Médiathèque ainsi qu’un Musée superbe occupaient les anciens bâtiments de l’école de Marguerite-Marie. Pour améliorer le commerce de centre-ville une politique volontariste avait contraint les grandes surfaces de la périphérie à ouvrir des structures de proximité dans les friches inoccupées. Là où elles ne tardèrent pas à y trouver une prospérité significative.
Enfin les anciens bâtiments des Bernardines, ouverts aux artistes, abritaient désormais un magnifique théâtre fréquenté par de nombreuses troupes dynamiques et passionnées. De tout cela mon amie en était très heureuse car elle affichait un magnifique sourire qui s’accordait avec celui de sa ville retrouvée. Celle qu’elle peignait encore avec la précision tremblotante de ses très vieux pinceaux. Mais tout cela n’était qu’un rêve éveillé !
Paul Gamberini