Devant la porte d’entrée de l’année 2021, j’ai l’impression que pas mal de zigotos vont hésiter un bon moment avant de s’engager. D’abord en s’essuyant les pieds sur le paillasson des mauvais souvenirs, histoire de balancer des poussières suffocantes dans les annales d’un passé compliqué, cela avant d’aller piétiner l’itinéraire branlant d’un avenir incertain. Une aventure qui pourrait s’apparenter à celle d’un funambule maintenu en équilibre à l’aide d’un balancier aux deux extrémités pesantes. Avec d’un côté un état sanitaire moins fiévreux et de l’autre une activité économique convalescente. Cela sur un fil rouillé accroché aux structures rocheuses de l’espérance, en attendant une potion miraculeuse ou un vaccin en bon état de fonctionnement.
Ainsi équipé, à la manière de notre funambule, on devrait pouvoir progresser de façon téméraire en générant une forme d’enthousiasme capable d’entraîner dans son sillage la trame traditionnelle de nos vieilles habitudes. Qu’elles soient familiales, sociales, de travail, de plaisirs, de loisirs, de rencontres et d’amitiés, toutes débarrassées de traumatismes et de risques de contagions. Sans aller, jusqu’aux bises par-ci ou aux bises par-là, pratiquées par les plus affectueux d’entre nous, lesquels devront attendre encore un peu les possibilités d’échanges aseptisés. Rasséréné par des perspectives encourageantes, on pourrait s’attendre à un retour de nos libertés les plus élémentaires comme celles qui nous ont été limitées par les fameuses permissions de sortie. Des formalités qui nous ramenaient aux années scolaires ou à d’autres circonstances, quand la discipline veillait sur nous avec le regard froid et impassible de la sévérité. Mais désormais, (si tout se passe bien ?) tout devrait rentrer dans l’ordre et chacun d’entre nous pourrait se concocter, lui-même, sa propre attestation de déplacement, pour l’ensemble de l’année 2021. Une appréciation personnelle pour se remémorer les libertés que nous considérions comme acquises pour toujours avant qu’un mauvais virus ne nous bascule dans des contraintes conjoncturelles de précautions et de confinement monacal.
Donc, en reprenant le modèle imposé, quand nos déplacements étaient limités à 9 possibilités différentes, on devrait retenir que l’on puisse se déplacer partout, avec un choix de destinations illimité entre notre domicile et les lieux de nos plaisirs ou de nos obligations libérés. Cela sans contrainte de temps, de distances et d’horaires : ouf et ouf, on respire enfin ! Néanmoins, car il y a toujours un « nez-en-moins », caché derrière les masques, on ne pourra pas sortir de ces tristes expériences sans garder un peu de suspicion mâtinée de craintes ou d’hésitations. Pour cela il est fort possible que l’on puisse se raccrocher à quelques règles de comportement issues d’un code de cheminement personnel. Traumatisme ou virus aidant on devrait garder quelques reflexe de prudence dans un environnement un peu suspect.
Nos balades en ville devraient être sinueuses avec un repérage à distance afin d’éviter des rencontres potentiellement inquiétantes car sans masque et de natures plutôt bavardes.
De même, nos échanges amicaux devraient être limités car ils pourraient perdre de leur spontanéité en cas d’éternuements mal dirigés ou de toux rocailleuses. Enfin, pour des raisons de respect on devrait éviter de trop scruter les rubriques nécrologiques pour comptabiliser les décès et se rassurer en fonction des grands âges mentionnés : une manie symptomatique d’une époque angoissante. Puis, pour se galvaniser un peu, on devrait éviter de trop subir de frilosités, de mises en garde, de conseils de prudences ou de frousses épidermiques régulièrement entretenues. Tout ça pour dire qu’un retour vers notre insouciance de zigotos ébahis et inconscients devrait prendre un peu de temps. L’avis de mon ami Marcel pourrait, peut-être, nous rassurer ?
Moi, me dit-il, je vais faire comme ton funambule, je vais m’engager avec un balancier approprié, avec d’un côté le courage et de l’autre la trouille et si j’arrive à traverser l’année sans problème, je te promets de solides poignées de mains et des tas de bonnes blagues pétillantes, avec de gros rires communicatifs. En attendant je te souhaite une bonne année, prudente, ainsi qu’à tout le monde !