Il était une fois un petit garçon qui admirait la Lune. Une attention particulière qui devait lui être naturelle puisqu’il s’appelait Pierrot. Un prénom qui s’accordait assez bien avec cet astre et de façon régulière, quand la poésie riche de sensibilités de l’un retrouvait son inspiration dans la pâle lumière de l’autre. Ou quand le rêve quittait son monde pour s’éloigner vers l’infini des nuits étoilées dans une sorte de pénombre où le mystère se faisait tellement immense qu’il touchait à l’incompréhension : avec un sentiment de petitesse. Mais Pierrot n’était pas encore dans cette dimension-là, car la Lune seule accaparait son imaginaire et plutôt que de comprendre le mécanisme qui ajustait tout cela, il avait préféré se faire l’ami de cette présence nocturne qui comblait tout le ciel de sa curiosité. La Lune était devenue sa bonne copine et il lui parlait comme il aurait pu le faire à une petite fille de son âge si celle-ci avait consenti à accepter cette amitié surprenante. La Lune, la Lune !!! Le petit monde de son école en faisait des raisons de moqueries qui en devinrent permanentes.
Au fond de la classe Pierrot était dans la Lune, dans la cour de récréation, Pierrot était dans la Lune et le soir sur son balcon, Pierrot était avec la Lune. La relation avec elle était tellement régulière qu’il avait appris à la regarder comme s’il voyait un visage, des yeux pleins de douceur, une bouche un peu gourmande et la disparition de l’opacité de ses traits qui laissait apparaitre l’image d’une amie avec laquelle il pouvait communiquer. Très souvent il s’exprimait seul vers elle et en réponse il avait le retour d’expressions différentes qu’il interprétait avec l’humeur de son âge qui se nourrissait de compréhensions.
Et puis une nuit les choses changèrent car l’heure était à la prudence, quand un méchant virus, menaçant, imposait la mise en application de protections sévères et quand les populations étaient responsabilisées et astreintes à porter des masques de protection. Pierrot sentit l’urgence de ces dispositions avec l’angoisse d’un protecteur car la Lune, elle, n’était pas protégée. Le soir même, de pleine Lune, il communiqua la nouvelle à son amie, laquelle sans montrer d’inquiétude laissa monter un gros nuage qui lui masqua la moitié du « visage ». Pour Pierrot c’était magique et le lendemain, à l’école, il raconta qu’il avait sauvé la Lune.