Le film en un mot
Une goélette remonte le fleuve du Rhône de Port St Louis jusqu’à Lyon. Dans sa trajectoire, elle a donnée la parole aux riverains pour explorer les souvenirs liés aux transformations de l’aménagement du fleuve. Comment et pourquoi ces modifications ont‐elles changées les habitudes et la vie des hommes ?
Mais le Rhône, ce n’est pas simplement un linéaire fluvial entre Lyon et Port St Louis. C’est aussi un fleuve presque sauvage que s’étire entre la Suisse et la Ville de Lyon. La goélette quitte son port d’attache, Les Roches de Condrieux, pour rejoindre la halte nautique de Lyon Confluence, L’équipe de tournage débarque le matériel pour rejoindre le Musée « Ecale Haut Rhône » qui sera le point de départ de ce travail de mémoire.
Un fleuve
Au fil de sa course jusqu’à la Méditerranée, le Rhône abreuve une multitude de bassins de population, alimente l’Histoire, les traditions et les légendes locales. Le Rhône représente également l’emblème d’une nature domestiquée, canalisée pour tirer au mieux l’énergie dont elle dispose. Le long de ce fleuve, l’homme avait une place parfois dangereuse car exposée aux crues, aux dangers de la navigation et parfois généreuse par la richesse de la pêche, des rives et des îles cultivées. L’homme et le fleuve étaient unis par un lien puissant alimenté par un tissu social et économique fortement identitaire.
Un navire
La Gringa est une goélette gréée à l’ancienne. Les projets montés autour de ce navire sont de deux ordres :
‐ Le premier est de faire une plate‐forme pour ce travail de mémoire. En effet, il me semble intéressant d’utiliser ce navire comme un élément de connaissance et de reconnaissance dans la création de documentaires lié à la mémoire des cités portuaires. Etant donné que la Gringa n’est pas l’un de ces voiliers que l’on voit habituellement dans les ports, elle peut focaliser l’attention dans les lieux de tournage et ainsi créer une dynamique autour de la réalisation de documentaire. Elle est entièrement équipée pour recevoir une unité de tournage professionnel.
‐ La deuxième est de devenir un moyen de découverte du milieu marin. En embarquant pour des navigations déterminées des équipages sur des parcs marins afin d’y découvrir la faune et la flore. Il a fallu deux années de restauration effectuées par des bénévoles pour qu’elle puisse prendre la mer et devenir opérationnelle sur ces projets.
Nous avons déjà réalisé trois films à partir de la Gringa :
« Le parc marin de la Cote Bleue » de Jean‐Charles Granjon
« Entre ciel et mer » de Philippe Crozier
« Sur ma maison, passe les bateaux » de Philippe Crozier
Synopsis
Des hommes et des femmes, riverains du fleuve ont vécu les transformations du fleuve au jour le jour, ils sont donc à même d’en parler. D’autres personnes ont réfléchi et effectué ses aménagements, leur parole est précieuse pour comprendre ce qu’est aujourd’hui le fleuve et retracer son évolution.
C’est donc le long de ce fleuve que l’on promène les spectateurs de ce documentaire de 52 min. Mais pour une fois, les véritables acteurs du film sont les gens eux‐mêmes. Il s’agit là d’une démarche originale où la parole des personnes représente la quasitotalité du travail. Une mémoire racontée par une multitude de personnes mais qui s’écoute comme l’histoire d’une seule. Par cette parole des gens, c’est une partie de patrimoine que l’on met en évidence.
C’est l’histoire que l’on écoute. C’est l’histoire du fleuve qui se raconte.
Note d’intention
« Un ancien qui disparaît c’est une bibliothèque qui part en fumée ».
Mémoire du fleuve Rhône
Le Rhône, fleuve mythique décrit et mise en scène par une multitude d’écrivains dont le plus connu est sans nul doute Bernard Clavel, m’a toujours intéressé. Au fil de sa course jusqu’à la Méditerranée, le Rhône longe un grand nombre de villes et de villages qui sont autant des lieux de vie et d’histoire.
En préparant ce film et en rencontrant les riverains, des questions se posent entre la réalité vécue et les histoires parfois semblables et très proches des écrits de Bernard Clavel.
Quelle est la réalité des habitants côtoyant chaque jour le fleuve ?
Aujourd’hui les riverains du fleuve ont‐ils toujours une relation privilégiée avec celui ci ? Comment a‐t‐elle évolué ?
Ces transformations d’aménagements du Rhône ont‐elles conduits à la disparition de ce lien ?
L’objectif de mon travail est de réaliser des films documentaires sur l’histoire contemporaine d’un lieu en remontant le temps et en utilisant la parole des habitants, des riverains, des professionnels où toutes les personnes ayant eu à faire avec le milieu concerné. En effet, qui mieux que ces personnes peuvent raconter leur vécu.
Ma démarche est de réaliser un film‐documentaire de 52 minutes à partir d’une expression directe illustrée par des documents d’archives. Ces documents pouvant provenir de l’INA, de Pathé‐Gaumont, de la maison du fleuve Rhône, de la CNR, des écomusées riverains du fleuve. Mais surtout, je souhaite privilégier les archives personnelles encore non exploitées par les habitants pour constituer une mémoire pour le patrimoine.
Les films que j’ai réalisés précédemment m’ont souvent permis de retrouver des archives, des plaques photographiques en verre ou des bobines 9,5 encore jamais montrées et qui pourtant participent à la conservation du patrimoine. Ce film sera le septième d’une série consacrée au travail de mémoire que j’ai entrepris depuis l’an 2000.
Issu d’une formation de travailleur social puis d’une formation dans l’audiovisuel, j’ai été membre de l’équipe du Professeur Bertrand Schwartz (Prix International de Pédagogie) avec laquelle j’ai mis en place le concept « d’auto médiatisation ». J’ai réalisé des films d’étude à partir de l’expression de personnes en formation afin d’essayer de faire évoluer les systèmes formatifs. Dans le cadre d’une recherche‐action, l’équipe a élaboré une procédure très stricte pour arriver à ce résultat. Aujourd’hui, je m’inspire de ce modèle que j’ai rendu plus souple pour réaliser des films documentaires sur la mémoire.
Ma référence cinématographie, source d’admiration et d’inspiration est la trilogie « Profils paysans » de Raymond Depardon. En effet, dans ces films il utilise souvent des entretiens en tête à tête et en situation. Par exemple, dans « La Vie moderne », le dernier documentaire de la série, il est au plus près de ces personnages pour saisir leur authenticité et leur façon de vivre. Pour moi, ce cinéma représente une mémoire laissée par nos anciens pour les générations futures. Et comme Raymond Depardon a dit, c’est : « Un cinéma envisagé avant tout comme un art du temps, de la patience et de l’enregistrement des traces laissées par les humains ».
Raymond Depardon travaille dans la proximité, il utilise l’entretien individuel pour ces personnages. Il leurs demande d’être courts et concis car le support super 16 utilisé est onéreux. J’utilise la dynamique du groupe et le format numérique HD pour la réalisation de mes films.
En effet, le groupe est extraordinaire, il fonctionne comme une pompe à mémoire pour les personnes filmées. Une idée en appelle une autre ; on remonte le fil du temps, on tisse ensemble une histoire, on élimine le superflu pour finalement garder l’essentiel.
Pour constituer un groupe, il faut du temps. C’est pourquoi, un travail de rencontres individuelles est nécessaire. Les personnes pensent souvent que leurs paroles est sans intérêt. Leur première réaction est : « Qu’est‐ce que vous voulez que je vous raconte, je n’ai rien à dire d’intéressant ». Donc il faut les convaincre de participer.
Lorsque le groupe est prêt, il ne faut pas tourner dès la première rencontre. Il faut faire connaissance, trouver des points de convergence, un intérêt et une histoire commune. C’est seulement lorsqu’un climat de confiance s’est installé que l’on peut commencer le tournage. Plusieurs rencontres sont nécessaires, une première où je donne le cadre, celle‐ci me permet d’écouter, je suis très peu directif, je laisse la parole libre, vagabonder de souvenirs en souvenirs. Les autres rencontres qui ne sont pas trop espacées dans le temps, me permettent de préciser les choses, de rentrer dans les détails.
Ce n’est pas un travail d’historien à proprement parlé puisque je m’appuie sur la parole des gens ; néanmoins, il est important que ce travail soit accompagné par un comité de pilotage composé de spécialistes du fleuve, historien, sociologue, ethnologue et géographe, etc. Ce comité peut visionner le contenu et peut le cas échéant m’éclairer, me permettre de préciser voire de m’orienter vers des pistes inexplorées.
Ce travail représente des heures d’enregistrement, des heures de rencontres toujours aussi passionnantes.
Comme je l’ai déjà dit, l’illustration sera faite d’images d’archives, mais aussi d’images du fleuve d’aujourd’hui. Pour cela, nous allons remonter le Rhône sur une ancienne goélette à partie de St Louis du Rhône jusqu’à Lyon pour montrer la course du fleuve sur la partie aménagée. Ces images viendront ponctuer le film pour suggérer le temps qui passe et le fleuve qui coule inexorablement vers la mer.
Tourné en HD avec des optiques Angénieux, je porte une attention particulière à la qualité des images, que ce soit pour la prise de vue des personnages ou celle des images d’illustrations. Ce film sera tourné avec des caméras numériques à gros capteur de façon à pouvoir recréer la sensation de profondeur de champ du cinéma. Ce genre de caméra me permet de capter les nuances dans les lumières. En effet, les jours où le Mistral souffle et les jours sans vent, la lumière est totalement différente. Le Mistral apporte une luminosité extraordinaire. Mon travail repose essentiellement sur la parole des gens. C’est pourquoi, j’attache une très grande importance à la qualité de l’enregistrement sonore. Le son est un élément capital voire primordial pour le bon déroulement du projet.
Le montage est structuré en deux temps. Le premier est un travail d’indexation des rushs. Il convient de rapprocher les mêmes thèmes de discussion. C’est un travail considérable, pour exemple, le film‐documentaire sur La Ville de St Chamond a représenté plus de 50 heures d’entretiens, indexées en une trentaine d’heures. Dans un deuxième temps, à partir de cette indexation, le montage du film‐documentaire commence. Parallèlement au montage, un travail de recherche iconographique pour
l’illustration et la musique se met en place.
Ce travail que je mène à une double entrée : d’une part, la réalisation de film documentaire pour le grand public ; d’autre part, la conservation du patrimoine oral et de documents futurs à découvrir. Ce sont des heures d’entretiens indexés par thème qui seront mis gracieusement à disposition des chercheurs, historiens.
Dans le cadre de ce travail le lieu de conservation sera certainement la Maison du Fleuve Rhône à Givors.
Proche de la réflexion de Raymond Depardon, pour mes films‐documentaire, j’ai fais mienne la citation Africaine disant qu’un « ancien qui disparaît c’est une bibliothèque qui part en fumée ».