Petit à petit, les journalistes, chroniqueurs et autres ne jouent plus le rôle qui était traditionnellement le leur il y a peu encore. L’interviewé n’est plus que le pâle prétexte à la mise en avant de celui qui le reçoit, l’interroge. D’ailleurs l’invité est sans cesse interrompu dans ses réponses par celui qui le questionne, ce qui fait que le temps de parole de ce dernier est supérieur à celui qui théoriquement est venu témoigner de son actualité. Le verbe clé des émissions où chacun braille de son côté sans écouter l’autre autour d’une table où théoriquement devrait naître le partage est « polémiquer »…
Nous assistons à la mise en vedette des présentateurs en vue de provoquer un « buzz » ! C’est à dire créer une agitation, souvent un mini scandale, autour d’une personnalité, d’un évènement pour accroître le taux d’écoute du média concerné. Certaines chaînes de télé par exemple se fichent bien de la qualité des échanges, du respect des invités pourvu que l’émission alimente son audience. Alors c’est la chasse aux chroniqueurs les plus féroces, les plus « tueurs », en fait les plus « sans âme »…
Le plan B
Un exemple ?
Dans l’émission du 17 février 2018 “On n’est pas couché” Christine Angot face au chanteur “Grand corps malade”, artiste génial, humaniste, handicapé suite à un accident ose dire « Quand on devient artiste, c’est un plan B. Je pense que quand on est artiste, c’est toujours un plan B. C’est toujours ne pas avoir pu faire ce qu’on pensait faire quand on était petit, avocat par exemple ou instituteur. C’est toujours le résultat d’un échec de devenir artiste en fait ». En gros : si vous n’aviez pas eu cet accident, vous auriez pu accomplir un plan A comme devenir avocat, professeur. Bonjour le mépris, déjà par rapport à cet artiste d’une sensibilité extrême et par rapport en second à la création artistique dans son ensemble.
On atteint là les bas-fonds de la pensée vulgaire, caricaturale. C’est cela faire un buzz et Ruquier se frotte les mains, car peu importe le contenu de son émission, seul compte le fait que l’on parle d’elle. Nous pourrions appeler ce fait : « vendre son âme au diable », quel que soit le grand talent de cet homme de télé.
Michel Bigoni