ll s’appelle Frédéric Whecler, dans le Bugey depuis trois ans, plus exactement à Andert et Condon avec Sophie, son épouse, et ses deux enfants, et au travers de sa passion il nous fait découvrir notre région…
Description du projet ?
« Faire le tour du Bugey sud par les hauteurs, en courant, en chaussures minimalistes en non-stop ; je me suis fixé un temps de 36 heures pour faire ce tour. Le temps total mis fut de 36h30.
Le départ se fait de la commune d’Andert et Condon et rejoint Innimont par le sentier GTJ (grande traversée du jura), ensuite le mollard de Don, Ordonnaz, la Burbanche, Armix, La montagne de Virieu, le bélvédère de Sérémont, les gorges de Thurignin, le grand Colombier, Culoz, Chanaz, Ontex, col du Chat , Yenne, Brens et retour Andert et Condon. Une boucle de 142 kms pour 5200 m D+.
Pourquoi ce parcours ?
Je suis un amoureux de grandes distances en courant et j’avais envie de réaliser un tour de Belley par les hauteurs que l’on aperçoit depuis la ville… Nous avons la chance d’avoir une nature authentique et des points de vues uniques et grandioses. C’est aussi une façon de se retrouver seul avec cette nature et de sortir de notre société où nous sommes en permanence assistés. C’est un retour aux sources, une lutte face aux éléments et soi-même.
Dans la vie le dépassement est partout mais on peut être amener à rapidement baisser les bras, ne pas persévérer, abandonner… On peut toujours faire plus si on le veut, c’était aussi pour moi une manière de mesurer mon potentiel de motivation.
Quelle préparation pour ce tour du Bugey ?
Aucune préparation spécifique, quelques reconnaissances du côté de la chaine de l’Epine pour les passages que je devais faire de nuit, une assistance improvisée la semaine précédente pour m’aider la nuit au niveau des ravitaillements (boisson et solide). Les sentiers ont été repérés sur les cartes ign, mais leur état n’était pas toujours bon pour permettre une progression aisée. A l’origine le parcours que je m’étais fixé était un peu plus long (presque 165 km) mais j’ai dû m’adapter aux conditions météo pluvieuse, pour réduire la distance et rester dans ma plage horaire de retour.
Dans tous les cas l’entrainement régulier de la course permet d’appréhender ces distances, mais on a beau courir souvent on n’est jamais vraiment prêt à ce genre de distance, c’est pourquoi il y a une grande part de découverte de soi : le mental est un facteur clef de réussite.
Tu cours minimaliste cela veut dire quoi ?
L’homme est fait pour courir depuis très longtemps, lorsqu’il n’était qu’un chasseur cueilleur, il y a plusieurs milliers d’années, la course était son mode de déplacement. Jamais très vite mais très longtemps. C’est ce qui lui a permis de survivre aux grands prédateurs. A cette époque, pas de chaussures avec de gros amortis, encore plus près de nous jusque dans les années 80 les chaussures ne possédaient pas vraiment d’amortis. Le pied est un formidable outil pouvant amortir les chocs des impacts de la course à pied. J’ai commencé à courir pied nu il y a 3 ans et depuis je suis incapable de courir avec des chaussures classiques. Le minimalisme c’est courir sans artifice juste de quoi protéger le pied : une simple semelle suffit. Mais parfois il m’arrive de courir pied nu : c’est le barefoot running. Il ne s’agit pas d’un phénomène de mode, c’est très bon pour les articulations. Bien sûr cela demande un très long apprentissage.
Pour ce tour du Bugey j’ai choisi de courir avec des simples semelles de 5 mm d’épaisseur tenues aux pieds par des simples lacets. C’est ce que l’on appelle des sandales huaraches, utilisés par les indiens tarahumaras au Mexique. C’est très agréable comme sensation. C’est un peu plus technique lorsque le sol est humide, c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai modifié en cours de route mon parcours.
La course minimaliste permet une osmose avec le sol et la nature encore plus forte. Cette sensation de liberté est vraiment unique, et puis pas de problème de genou, de douleur musculaire que du bonheur. Le seul inconvénient avec ces sandales c’est l’humidité, les ronces et les orties : ça pique… je voulais tester sur une grande distance pour voir, et comme je suis têtu je n’ai pas voulu mettre des chaussures minimalistes fermées pour aller au bout de mon défit, mais avec du recul, la prochaine fois, si ce n’est pas complètement sec je couvrirai.
Les bons souvenirs :
La première partie jusqu’à Chongnes, faite de montées et de descentes dans des bois avec des paysages dominant tout le Bugey. La solitude sur ces sentiers (je n’ai croisé personne).
Les ravitaillements avec David et mon épouse, surtout dans la nuit. Ils ont contribué à ce que je passe une nuit sans que je m’en aperçoive, ils ont été présents mais pas pesant, prévenants et attentifs à mes besoins. Ce n’est pas facile de suivre un coureur, il faut attendre longtemps avant de voir arriver un zombie qui ne sait plus ce qu’il veut ou a besoin. Je leur dois un grand merci.
Le lever du jour dans la partie menant à Ontex et retrouver David qui dormait dans sa voiture, ne pas oser le réveiller alors que je voulais faire un somme de 30 mn.
Les moments difficiles :
Dans l’ultra il y a des hauts et des bas, c’est un peu le reflet de la vie en condensé. Il y a toujours un moment de moins bien après l’euphorie et vise et versa. Il faut reconnaitre ces moments difficiles, les accepter et les laisser passer. C’est un peu comme le marin qui traverse la tempête, il prend des ris dans les voiles et étale le grain… et puis il faut aussi gérer la fatigue, ne pas penser à dormir lorsque les paupières deviennent lourdes.
L’ascension du colombier depuis Chavornay fut épuisante, la descente du col sous la pluie, la nuit et le brouillard fut étrange. Le retour depuis Yenne fut pénible par la lourde chaleur présente le samedi et de grosses douleurs sous les pieds dues aux frottements de la veille en raison de l’humidité.
Les sentiers pas trop praticables entre la Burbanche et le belvédère du Sérémont.
Lorsque l’on croit que l’on ne peut plus avancer, il faut se dire que l’on peut toujours mettre un pas devant, et puis un autre et ainsi de suite. La vie est ainsi faite il faut s’accrocher et se fixer de petits objectifs qui mis bout à bout forment un beau parcours. Toutes ses victoires renforce le mental.
Les moments insolites :
Au 7ème kilomètre la sangle de ma sandale à lâcher, j’ai dû rafistoler comme ‘j’ai pu en attendant le 60 ème pour réparer correctement, ce qui a occasionné quelques frottements supplémentaires à mon pied.
Au petit matin des sangliers que je sentais très près de moi.
Des visions à cause de la fatigue lors de la montée vers Onex : il y avait au milieu du chemin une porte en bois fermant un tunnel….
Es tu satisfait de ta balade ?
Je suis très heureux de ce tour. Je l’ai fait avec mes sandales, je suis revenu à mon point de départ par mes propres moyens dans les délais que je m’étais fixé. Je pense refaire ce périple l’année prochaine en faisant peut être un peu plus long, dans les même délais en travaillant un peu l’organisation des ravitaillements (bien que l’idée d’autosuffisance soit agréable) surtout pour la nuit et pourquoi pas le faire avec d’autres coureurs de la région ou d’ailleurs. Notre région est un grand terrain de découverte propice à l’aventure, une terre accueillante à parcourir sans modération.
A suivre…
Pour ceux que l’aventure intéresserait, envoyez un mail à : whecler@yahoo.fr